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Notes à propos de la Passion selon Saint Matthieu

                « Passion de notre Seigneur Jésus-Christ » : le motif chromatique en « miroir » (l’élément le plus petit que l’on puisse trouver dans la gamme tempérée) qui souligne cette parole est présent dès la mesure 2 et figure la croix où « tout va se jouer ». Tout de suite après qu’il ait été énoncé on trouve une désinence modale (ré bécarre) et les deux modes seront toujours intimement liés. La partition entière se déploie comme une immense arche à partir de ce demi-ton (et son « ombre ») pour  y revenir à la fin mais cette fois recouvrant les mots mêmes : « Christ bien-aimé », à qui le croyant ouvre les bras, l’accueillant en son cœur, le reconnaissant enfin après la difficile période du rejet. l’amour ayant été plus fort que la mort, c’est aussi le Christ qui nous reçoit en son sein.

                La première mesure fait entendre un motif dramatique réduit à sa plus simple expression : un accent (ou un appel) suivi de sa résonnance  qui donnent  une certaine impulsion rythmique et créée une tension qui accompagnera tout le déroulement du drame.

                En contrepoint à ces deux motifs, un motif mélodique (mesure 7) et ses « dérivés » parcourt l’œuvre, veillant à lui donner une unité structurelle

                La première page est une brève introduction avant de plonger directement dans le récit de la passion.


Mes 13 : l’ambitus de quinte augmentée si b – fa # de la première parole de Judas illustre son déchirement

Mes 15 : miroitement des pièces d’argent

Mes 17-18 prémonition de ce qui va arriver (sous une note tenue – malgré la résistance, lente descente inexorable remplissant au fur et à mesure l’harmonie)

Mes 19 thème encore inconscient de la joie de la Pâque à venir

Mes 20 : l’écriture est au début dans le grave des registres pour s’élever peu à peu, intensifiant ainsi  le déroulement de la passion

Mes 27 et 40 : ouverture sur le mot « Pâques » qui cherche à traduire l’universalité du mot

Mes 47 : la musique décrit le temps qui passe, inexorable

Mes 102 à 105: Judas pose la question, doute, espérant encore peut-être ne pas aller au bout de sa décision

Mes 112 : le motif en canon illustre la distribution du pain

Mes 118 et 127 au violon : une arche se déploie sur les mots « corps » et « sang » du Christ pour dire combien on accède alors à une autre dimension. A sa parole qui va s’élevant répond la phrase descendante du Père au violoncelle comme une reconnaissance

Mes 133 et suivantes: Jésus est déjà ailleurs

Mes 146 et suivantes: la basse obstinée tout le dilemme de Pierre, exprimant le fait que l’apôtre, dans la peur de subir le même châtiment,  reniera  Jésus alors qu’il jure qu’il ne l’oubliera pas

Mes 181 : chacun reprend à son propre compte la déclaration de Pierre

Mes 190 : c’est la nuit, l’endormissement s’empare du corps et de l’âme des disciples

Mes 196 : le changement de couleur illustre le lieu de Gethsémani ; cette quinte frémissante - pour ajouter de la tension dramatique  -présente dès la première mesure de la passion, tisse la trame de toute la scène. Mes 201 : cette fois la même cellule exprime la détresse que Jésus va confier aux hommes qui l’accompagnent ; on la retrouve mes 218 ; Gethsémani est le lieu de la « prière » de Jésus à son père

Mes 219 : le motif descendant de la nuit s’élargit et devient le thème chromatique qui traduit l’inéluctable fasse à la question de Jésus : « s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi »

Mes 225 : ce mélisme, comme une vague (la nuance crescendo-decrescendo) dessine la volonté humaine de s’en sortir ; à la mes 241 il sera l’ardeur de l’esprit ; à la mes 250, plus lent, il traduira – paradoxalement - l’acceptation ; à la mes 257, un premier adieu aux disciples

Mes 227 : la tierce majeure montante est l’acceptation de l’inconnu  qui nous dépasse

Mes 232 : le thème lui-même est repris à un tempo plus lent, lui-même gagné par le sommeil

Mes 266 : le thème renversé est comme un sursaut face aux disciples endormis et l’inexorable fin de cette nuit

Mes 285 les voix d’hommes martèlent le bruit de leur pas, leur haine et l’inéluctable accomplissement de l’arrestation, un véritable raz de marée qui emportera Jésus

Mes 292-293 / 294-295 / 297-298: Le signal indiqué par Judas est justement le baiser (peut-il y avoir trahison plus grande ?) qu’il donne à Jésus, comme une suspension où tout va basculer

Mes 312 : contraste de l’atmosphère qui accompagne le sermon de Jésus qui se situe ailleurs, sur un plan supérieur malgré le danger extrême de la situation

Mes 328 / 352: à la citation des écritures et des prophètes est réservée une autre atmosphère d’abord aux voix d’enfants qui sont ici la voix des anges puis celle de l’évangéliste qui médite ces paroles, dont la pérennité est symbolisée par la récitation sur une note soutenue par une basse obligée descendante qui, quant à elle, souligne la réalisation de la prophétie

Mes 358 : la fuite des disciples est rendue par une gamme fuyante, suspensive (s’arrêtant sur la sensible modale) en canon

Mes 366 la récitation sur une note montre un Pierre distant

Mes 383 : une musique archaïque (les deux voix évoluent en quintes parallèles) traduit le fait que les témoins ne font que répéter ce qu’on leur a demandé de dire

Mes 416 les pizz sont les coups portés à Jésus

Mes 428 violoncelle et violon enferment la scène dont Pierre ne pourra échapper

Mes 449 le thème de l’accusation repris aux instruments seuls l’intériorise

Mes 455 les voix de femmes et d’enfants évoquent le matin qui se lève

Mes 462 on retrouve le même thème que lorsque Jésus prédit que Pierre le reniera

Mes 474 la musique décrit le flot de larmes que Pierre ne peut retenir

Mes 496 l’utilisation de l’instrument solo souligne la solitude de Judas

Mes 537 les voix des enfants sont celles des anges qui reprennent la prophétie de Jérémie

Mes 551 un nouveau rythme implacable entraîne toute la scène du jugement chez Pilate

Mes 580 la musique décrit un Pilate soucieux de bien faire, qui pense être sûr que la foule va demander la libération de Jésus

Mes 594 les instruments plongent la femme de Pilate dans le songe qu’elle a reçu dans son sommeil

Mes 634 l’alternance harmonique traduit le fait que Pilate se lave les mains du sang de Jésus et va jusqu’à imager l’épaisseur du sang qui « retombe sur nous » et les générations à venir, semblant aller jusqu’à nous noyer

Mes 659 les cordes frappées avec le bois de l’archet évoquent les épines, les crachats, les coups et en même temps créent d’une manière nouvelle une nervosité du discours propre à traduire le fait que la situation est sans espoir

Mes 711 les noires répétées puis en syncope sont les coups portés sur la croix, les clous enfoncés dans la chair et dans le bois

Mes 727 le chromatisme retourné annoncé dès le début de l’œuvre est maintenant la croix elle-même

Mes 734 dans la rapacité des soldats, les vêtements sont déchirés

Mes 737 l’harmonie figée et la désinence mélodique illustrent le fait que les gardes se mettent à distance, que nous sommes mis à l’écart du drame, tout comme l’évangéliste lui-même aux mesures suivantes

Mes 747 « celui-ci est  Jésus » : s’élevant au-dessus de la simple pancarte, une grande arche (dessinant aussi le mont Golgotha) entoure ces mots, à l’image du croyant qui s’incline et reconnaissant le Messie, le reçoit en son cœur ; la croix – la foi ? -  s’étend jusques aux confins de la terre

Mes 767 la lente montée chromatique évoque les injures, les vagues successives des hommes et des femmes qui l’interpellent et se moquent, jusqu’au paroxysme de l’incompréhensible pour eux : « il a dit : je suis le Fils de Dieu »

Mes 800 même pizzicato et tremolo qu’au tout début de l’ouvre, en voici le point névralgique, le cœur

Mes 811 l’ultime cri de Jésus appelant le prophète Elie se réduit à sa plus simple expression : une seconde mineure montante  dont la dissonance évoque à la fois qu’il puise dans ses dernières forces et la douleur de l’arrachement à la vie

Mes 826 les pizzicati questionnent : Elie va-t-il répondre ?

Mes 834 l’enchaînement harmonique s’efforce de représenter la distance entre l’ici et l’au-delà

Mes 840 le duo évoque la montée de l’âme de Jésus, un dialogue entre elle et Dieu, ou du moins l’ange qui le soutient

Mes 841 le déchirement du voile, de la terre et des rochers, jusqu’aux tombeaux est confié à l’harmonie et le mouvement contraire

Mes 849 harmonie et mélodie sont une évocation d’un ailleurs entraperçu, un pressentiment du Paradis

Mes 855-856 en opposition le mineur et la dissonance « ajoutée » de la sensible sur la note réelle montrent la frayeur de ceux qui gardent Jésus

Mes 874 l’écho marque le fait que si les femmes se tiennent à distance, leur cœur reste tourné vers celui qu’elles ont suivi jusque là

Mes 880 les sons harmoniques irisent le tissu du linceul, le mode est un hommage à l’étranger qui a le courage de demander le corps de Jésus et à la fois ouvre un nouveau décor, un nouveau départ possible tandis que la mélodie à l’orgue fait sienne tous ces événements et semble les méditer en son cœur

Mes 909 le fragment de mélodie qui s’élève est né de la pierre qui roule mais aussi nous entraîne vers un possible lendemain encore inconnu

Mes 956 le motif initial recouvre maintenant les mots : « Christ bien-aimé »

Mes 994 Comme des cloches s’évanouissant dans le petit matin, portant l’écho de cette passion.

FIN